Une jolie garde française [PV Eleonore Deschamps]

Kathleen s’était récemment montrée particulièrement raisonnable pour ce qui était des balades nocturnes, mais cela n’avait pas été surprenant, étant donné que les festivités avaient été nombreuses depuis quelques temps et son devoir d’ambassadrice passant avant tout le reste, la jeune princesse avait donc accumulé beaucoup de fatigue. Les rues de Paris, comme le lui avait fait remarquer sa sœur quand elle s’était présentée à elle la première fois quelques temps auparavant, étaient dangereuses. Et il était inutile de se mettre en danger quand elle était incapable d’assurer derrière.

Mais ce soir, elle avait décidé de faire quelques rondes et éventuellement de retrouver l’autre individu masqué qu’elle avait rencontré au cours de ses virées nocturnes. Comme il n’y avait pas de bal le soir, elle était partie assez tôt afin de rentrer également plus tôt, ce qui ferait plaisir à Milie. Alors qu’elle passait dans une rue, elle aperçut un soldat des gardes françaises à grande distance de la caserne. Surprise, elle lui accorda un regard, détaillant son visage et se demandant ce qu’il faisait dans cette partie de Paris. Il disparut dans une ruelle et elle secoua la tête. Il était inutile de s’inquiéter pour rien. Cet homme n’avait rien de dangereux.

Elle fit le tour des quartiers approximant sans rien détecter d’anormal et, environ une demi-heure plus tard, elle vit ressortir une jeune femme de la ruelle dans laquelle était entrée le soldat. Mais en voyant son visage, elle ne put retenir un cri de surprise. C’était le soldat. Elle se demanda quel intérêt pouvait bien avoir cette personne pour l’uniforme masculin et ce qu’elle en faisait. Décidée à tirer ça au clair, elle vérifia qu’il n’y avait personne aux alentours et s’écria d’une voix amusée :

« Eh bien, quelle jolie prestance pour un garde française ! »

5 mois. 5 mois déjà qu'Eléanore était devenus membre de la Garde Française. Elle, une femme, avait berné ses officiers, mentit sur son âge et son sexe, et ce afin de nourir sa famille. Elle, la douce et gentille Eléa, faisait un métier de combat et de guerre. Elle pensait au début que cela ne lui plairait pas, sa nature la poussait trop à venir en aide aux autres, plutôt que de guerroyer. Mais au fil des semaines, elle avait appris à apprécier ce travail à sa juste valeur. L'escrime était un art qui la fascinait au plus haut point, comme une danse, mortelle. Et si, tirer au pistolet ne l'inspirait guère, cela semblait déloyal, et sans gloire, elle s'y était habituée et s'en servait peu. Sa nouvelle vie lui plaisait, définitivement.
Une fois par mois, après avoir reçus son salaire, elle se rendait dans la chambre qu'elle louait une misère et où elle entreposait ses vêtements de femme. Elle se changeait et allait apporter tout l'argent qu'elle pouvait à sa famille. Ses camarades de la garnison ne posaient pas de question sur ses absences régulières pendant ses permissions. Elle avait appris à se faire respecter à coup de poing et de mot s'il le fallait. Ils étaient tous devenus amis, camarades dans la vie dur que la ville leur imposait. Sa famille en revanche, posait beaucoup plus de question, plus spécialement sa mère, qui s'inquiétait pour elle d'être partie si jeune. Elle n'avait que 16 ans après tout. Et, lorsqu'elle l'avait revus avec les cheveux coupé, elle s'était affolé. Mais Eléanore l'avait rassuré en disant que c'était juste une question pratique, elle faisait un métier très physique -ce qui était vrai- et ses longs cheveux la génaient pour exercer sa tache -ce qui était vrai aussi dans un sens- elle avait donc été obligée de les couper. Sa mère avait finis par arrêter de poser des questions, comprenant que sa fille ne dirait rien de plus, mais elle s'inquiétait toujours.
Ce soir-là était un de ceux-là, elle devait rendre visite à sa famille. Son rituel avait commencé sans encombre, elle était entré dans la ruelle et c'était changé normalement. Mais en sortant, elle entendis:
-Eh bien, quelle jolie prestance pour un garde française !
C'était une jeune femme, noble de première apparence. Et, selon toute vraissemblance, elle l'avait vus entrer dans cette ruelle alors qu'elle portait encore l'uniforme. Eléa ne savait pas si elle pouvait faire confiance à cette personne. Et, tout ce qu'elle trouva à répondre fut:
-Puis-je savoir à qui ai-je l'honneur, Ma Dame?, demanda-t-elle en s'inclinant.

La jeune fille était mignonne comme tout, attachante et même avec ses cheveux courts, elle ressemblait davantage à une petite fille qu’à une femme ou même à un homme. Kathleen songea qu’elle devait être plus jeune que ce qu’elle paraissait dans sa tenue de garde française, probablement trop jeune pour faire ce métier, que l’on considère un homme ou une femme. Kathleen, dans sa grande sagesse et sa connaissance des situations dans les rues de Paris, se douta que la misère était à l’origine de la tromperie de la jeune fille. Elle sentit aussi qu’elle devait être une personne courageuse et qu’elle craignait que son secret n’eût été découvert par la mauvaise personne.

Kathleen se demanda comment agir, puis soudain, elle songea que cette jeune fille avait un secret, un secret qui pouvait lui coûter la vie plus que simplement la survie de sa famille. Car s’il on découvrait qu’une jeune femme s’était introduite clandestinement dans une caserne de gardes françaises, Kathleen ne savait pas exactement quel serait la punition dont on l’affublerait, mais elle serait sûrement terrible. Et puis, les hommes de la caserne pourraient aussi bien s’en prendre à elle, à sa vertu, à sa vie. Kathleen fut aussitôt persuadée que cette jeune fille ne la trahirait pas et elle se démasqua.

« Vous n’avez rien à craindre de ma part, mademoiselle. Je me présente, Kathleen Peacecraft, Princesse du Royaume de Sank. Pour vous servir, mademoiselle. »

Elle gratifia la jeune femme d’une gracieuse révérence pour accompagner cette révélation.